Il n’est pas toujours possible de savoir quand tout a commencé. Bien souvent, il n’y a pas eu de moment décisif, ni de repère clair. Ce qui existe, avant toute compréhension, c’est une inquiétude silencieuse. Quelque chose qui vibre discrètement à la base de l’être — comme un pressentiment constant que la vie ne se limite pas au cadre du visible.
Le nagualisme ne se présente pas comme une croyance, ni comme une doctrine. Il ne demande aucune adhésion, ni ne cherche à être suivi. Il émerge, simplement — comme un champ de perception déjà présent, mais qui ne se révèle que lorsque le regard intérieur change de fréquence.
C’est pourquoi, bien qu’il s’agisse d’un appel ouvert, seuls ceux qui portent déjà en eux une fissure peuvent le percevoir. Une sorte d’ouverture subtile qui ne peut être ni fabriquée ni enseignée.
Cette ouverture est le fruit d’un accord profond forgé dans le temps : une perte, un silence abyssal, une rupture d’identité, un contact avec l’invisible — ou peut-être simplement une saturation du monde tel qu’il est.
Le nagualisme n’est pas perçu par tous, même s’il est accessible à chacun.
Il est comme un parfum.
Certains passent sans le sentir. D’autres, dès le premier instant, le reconnaissent comme quelque chose d’intime — même s’ils ne l’ont jamais rencontré auparavant.
Cela ne se produit pas parce que quelqu’un a été choisi.
Ni parce que quelqu’un a choisi.
Cela se produit parce qu’il y avait déjà, quelque part en soi, une résonance.
Cette reconnaissance est le véritable début.
Elle ne repose pas sur une compréhension intellectuelle, ni ne naît d’un effort rationnel. C’est un geste intérieur de la perception, qui reconnaît dans l’enseignement toltèque une vibration familière.
Une vibration qui était déjà là — attendant simplement un nom, un miroir, un fil conducteur.
La tradition toltèque ne parle pas seulement en concepts. Elle indique des réalités perceptives qui dépassent les mots :
Elle parle du déplacement de l’attention, de l’effondrement de l’identité narrative, de la vision du monde comme flux d’énergie.
Et rien de tout cela ne peut être intégré par simple curiosité — il faut déjà avoir vécu quelque chose qui ait discrètement préparé cette écoute.
Ceux qui ressentent l’appel ont souvent traversé des déserts intérieurs, abandonné des formes héritées, été désabusés par les promesses du monde ordinaire. Non comme des tragédies, mais comme des passages nécessaires.
Ces passages affinent l’écoute. Et c’est grâce à cette écoute qu’un jour, à la lecture d’un paragraphe ou à l’écoute d’une parole, tout le corps vibre dans la reconnaissance.
C’est à ce moment-là que le chemin cesse d’être recherché — et commence à être vécu.
Cette reconnaissance peut être précédée par des expériences qui, même non systématisées, révèlent une sensibilité au-delà des formes.
Des instants où le temps semble se dilater.
Des sensations d’être en dehors de soi et, en même temps, plus entier que jamais.
Des rêves lucides qui s’imposent comme des vérités.
Des intuitions irréfutables.
Des silences pleins de présence.
Un inconfort face au bruit des identités.
Un désir radical d’épuration — non par fatigue, mais par intuition que la vérité réside dans la simplicité.
Tout cela ne constitue pas des signes extérieurs, mais des marques intérieures de maturation perceptive.
La porte ne s’ouvre pas par l’effort. On la trouve déjà ouverte — lorsqu’on est prêt à la voir.
Il existe aussi des formes de savoir qui, bien qu’extérieures au nagualisme, aident à bâtir des ponts. Elles préparent l’esprit à ne pas rejeter ce qu’il ne comprend pas encore.
Les enseignements sur l’impermanence, comme dans le bouddhisme.
Les expériences de présence silencieuse, comme dans la méditation ou la communion avec la nature.
L’étude symbolique des archétypes, des mythes, des rêves, ainsi que des systèmes tels que le Tarot, le Yi Jing et l’astrologie.
La compréhension que le moi est une construction, et non l’essence de l’être.
La reconnaissance que la perception façonne la réalité.
Aucun de ces savoirs ne garantit l’entrée sur le chemin — mais tous peuvent en adoucir l’approche.
Ce qui définit l’entrée sur la voie toltèque, ce n’est ni la connaissance ni l’expérience.
C’est l’écoute.
Une écoute qui ne filtre pas. Qui ne débat pas.
Une écoute qui reconnaît avant de comprendre.
Car le nagual ne parle pas avec des mots.
Il vibre dans le champ.
Et quand ce champ touche le cocon de quelqu’un, il n’y a plus de doute.
Il y a le silence.
Et il y a l’action.
Ce texte n’a pas pour but d’enseigner, ni de convaincre. Il est simplement un miroir.
Peut-être, en le lisant, quelque chose résonnera.
Si cela se produit, ce ne sera pas à cause des phrases.
Mais grâce à l’espace entre elles.
C’est là que vibre le nagual.
Et ceux qui sont accordés… écoutent.
Gebh al Tarik